Quoi de meilleur qu'un bon gigot? Pour moi, un repas de fête digne des meilleures tables, qui fait toujours son petit effet et pourtant bien plus simple à rôtir qu'un roastbeef, car même si on se doit de le manger rosé, la plupart des gens l'aiment à point, et si on se trompe d'une demi-heure, peu de convives le remarqueront. Nous l'avons dégusté à la veille du départ de mes parents, pour finir en beauté.
Je ne me lasse pas de ce livre, il a de belles photos, de bonnes recettes, il a été fait avec amour, et ce n'est pas là le délire de l'accro aux bouquins de cuisine, mais des paroles empruntées à ma Maman, qui l'a tenu entre ses mains et l'a beaucoup apprécié elle aussi.
L'auteure, Tessa Kiros, qu'on a presque envie d'appeler Tessa tout court tant elle partage ses souvenirs culinaires avec nous comme si on était amis, est en partie d'origine chypriote et cette recette puise dans ses recettes grecques. Le gigot est bien cuit, parfumé délicatement au citron et à l'origan, les pommes de terre délicieusement confites et aromatisées.
Selon sa recette, on enduit le gigot de jus de citron, d'origan séché et on parsème de noisettes de beurre. On le met à four chaud une demi-heure avec un verre d'eau et quelques cuillérées d'huile d'olive , le temps qu'il dore sur chaque face. Au bout de ce temps, on ajoute des pommes de terre coupées en dés (et pour moi quelques gousses d'ail non pelées), on baisse le four sur 180°C et on couvre le plat de papier alu. De temps en temps on le retourne, et on laisse cuire deux heures-deux heures trente. La fin de la cuisson s'effectue à découvert si on l'aime plus doré.
Comments
Ta recette simple mais efficace de gigot m'a tout bonnement fait monter les larmes aux yeux, enfermé que je suis dans cette abbaye pour ce que je considérais être une, hum, retraite spirituelle. Bon les moines sont gentils, leurs sandales sont d'excellente facture, mais ici, point de gigot, ni de petites pommes de terre sautée: du porridge, du pain au son, et de l'Ovomaltine en guise de café matinal. Bien sûr, j'ai amené quelques éléments personnels que je dissimule sous ma robe de bure pour ne pas attirer l'attention (et après ça, bonjours les démangeaisons sous ma combinaison slip kangourou-marcel): une photo de Paul Préboist, un live bootleg de Richard Clayderman de 1948, un collier de cuir clouté. A table, impossible de parler, frère Albert -qui est le sosie de Vladimir Poutine- m'a déjà tapé sur les doigts pour avoir demandé s'il était possible de regarder La Nouvelle Star sur M6. Bref, c'est l'enfer, et les autres convives en retraite spirituelle sont encore plus déprimants que Fabrie Lucchini: il y a un comptable suicidaire qui travaille pour la mafia russe, un membre des Gipsy Kings qui passe ses journées à nous jouer "Djobi Djoba",ainsi qu'une mule qui se cache probablement des douanes françaises (tu sais, les, euh, mules, sont les gens qui tranportent de la drogue dans les avions). Bien sur, de temps en temps, avec mon ami colombien, nous prenons un petit remontant (quand il arrive à en expulser une dosette) et alors, nous sonnons l'angélus jusqu'à l'aube,ou alors nous enchainons les exrcices difficiles sur le Stairmaster de père Roger, mais en dehors de cette petite récréation, c'est le néant. Mon amie, te serait-il possible de m'envoyer des restes de ce gigot (ou même le papier aluminium que je puisse le lécher) ou alors de me faire parvenir un paquet de Pepito? En échange, je t'offrirai un paquet de bonbons au miel fabriqués par les moines ou une paire de robustes snadales en vachette de qualité supérieure à celle des Birkenstock? Bon, je te laisse, car le comptable russe vient de se faire assassiner par un commando du FSB dans le hammam.
Bien à toi mon amie.
Je retrouve le calme de ma chambre spartiate après l'enterrement sommaire du comptable mafieux qui a terminé noyé dans un fut en chêne contenant l'eau de vie de l'abbaye. Tout cela pour évoquer le bien nommé "Meat is murder", troisième album des Smiths. Dans la courte discographie du groupe, les fans ont toujours eu tendance à préferer "The queen is dead", plus abouti, plus dense, selon eux. MAis c'est oublier la grande qualité de son prédecesseur."The headmaster ritual", titre d'ouverture, raconte les châtiments corporels qu'a du recevoir le jeune Morrissey alors écolier à Manchester. Derrière les arpèges virtuoses de Johnny Marr, le chanteur est amer, sombre
("give up life as a bad mistake") et semble maudire ce professeur à l'ombre inquiétante et traumatisante. On y trouve aussi "What she said", guitares furieuses -d'aucuns diront stoogiennes, car Johnny disposait d'une palette de compositeur exceptionnelle-, et texte triste, comme souvent incarné par un personnage féminin, que Morrissey assimile à une victime d'une tragédie racinienne ("I smoke cause I'm hoping for an early death"). Sur l'album "Rank" dont je te parlais hier, ce titre est couplé à "Rubber ring" et constitue un véritable tourbillon émotionnel presque cathartique. Surtout, "meat is murder" est intéressant pour toi et tes amies gastronomes car il contient le titre éponyme, ballade lancinante et léthargique dans laquelle le Mozfather dénonce la barbarie des amateurs de viande, dont il évoque les crimes ("It's death for no reason and death for no reason is murder").2 anecdotes à ce propos: Mike Joyce, le batteur du groupe (devenu depuis l'ennemi du chanteur pour des raisons d'argent) est devenu végétarien comme lui après l'enregistrement du titre, qui débute par les cris d'animaux en route pour l'abattoir. Seconde anecdote qui te plaira davantage: questionné récemment sur son site par une fan qui l'interrogeait sur ses convictions végétariennes, Morrissey répondait qu'il continuerait à s'engager sur ce sujet tant que des gens comme Jamie Oliver seraient au top de leur célébrité. Enfin, n'oublions pas "Barbarism begins at home" qui évoque les enfants battus sur une trame musicale presque funky, l'ensemble formant un contraste singulier entre l'aspect dansant et entraînant de la musique et la violence que sous-entend le court texte de Morrissey. En somme, je dirai qu'il s'agit d'un grand disque du groupe, car pour ma part, les cinq albums des Smiths méritent le détour. Mais sachant le respect qu'une fine gastronome comme toi éprouve pour ton ami jamie, je ne pouvais pas m'empêcher de te titiller un peu. Bon, je te laisse, je vais faire une partie de roulette russe avec Chico des Gipsy Kings. Bien à toi mon amie.
Permets-moi de te dire que tes réfléxions sur Morrissey et Jamie Oliver, deux artistes que j'apprécie chacun dans son domaine respectif, me laissent rêveuse...car oui, il est comme tu le vois possible d'apprécier la viande et en même temps d'aimer Morrissey. Je me demande ce qu'il donne à manger à ses chiens? du pal végétarien? des croquettes à base de soja? du tofu fumé? bbbrrr, je frissonne en pensant à ces pauvres bêtes carnivores qui se taperaient bien un bon T-bone dans leur gamelle! Bonne fin de séjour et n'abuse pas du paracétamol colombien!
Vraiment fabuleux j'adore... c'est fou quand j'aime comme cela,j'ai souvent la sensationde sentir les effluves des parfums décrits... hmmm le citron, l'origan, la viande, le jus...
En réponse à ton commentaire élogieux, je ne dirai qu'une chose: merci. C'est vrai que, toute modestie mise à part, je suis vraiment, hum, sublime. Tu as du deviner en moi l'incarnation de l'homme moderne (attention à ne pas confondre avec le catalogue de VPC du même nom). En revanche, désolé, question parfum,tu vas trop loin: en dehors du savon de Marseille utilisé par mes amis moines pour leurs ablutions, je n'utilise aucun parfum, hormis le déodorant Marque Repère de Leclerc. Donc, pas de coriandre ou d'effluve de viande, si ce n'est celle de mes compagnons cisterciens au moment de la cueillette du chanvre récolté ici.
Bien à toi donc, ma nouvelle amie.